Nicole Voilhes - Auteur de biographies romancées de couples célèbres du XVI siècle.
Moutnedjemet

Le Livre

La XVIIIe dynastie du Nouvel Empire de l’Égypte antique brille de tout son éclat, le pharaon Akhénaton a rendu obligatoire le culte d’un seul dieu, Aton.
Néfertiti, la Grande Épouse royale, a donné six filles à Pharaon. La troisième est élevée avec Moutnedjemet, enfant trouvée qui, devenue nubile, rejoint le harem royal.
Reconnue comme fille d’Akhénaton, l’héroïne devient princesse, titre qui ne lui octroie pas la sécurité, bien au contraire.
Victime de trois attentats, elle comprend très vite que féroce sera la lutte pour prendre le pouvoir à la mort de son père. L’empire, menacé par ses voisins est miné par les discordes religieuses, les abus de toutes sortes, la corruption. Un seul homme peut remettre de l’ordre : Horemheb, le général, respecté par tous.
Bousculant les traditions qui veulent qu’une fille de sang royal ne se marie qu’avec un membre de la famille, Moutnedjemet épouse Horemheb.
Désormais sa vie a un sens, faire de l’homme qu’elle aime le Maître de l’Égypte.
Violence, haine et amour se côtoient sous les dorures des palais royaux. Les mœurs, différentes des nôtres, nous permettent de constater que les sentiments sont éternels.
Bien que Moutnedjemet ait existé, ce livre n’est pas une biographie mais un roman car elle a, par choix ou par un aléa de l’Histoire, été oubliée.
Belle occasion de lui redonner vie.

Extraits

1. « De souples papyrus s’inclinent au-dessus des lotus tout au long des murs de ma chambre. Ce beau décor peint est aussi figé que tout ce qui m’entoure. Cadre de vie digne d’une princesse, il ne peut occulter ma tristesse : tout est trop magnifique, trop coûteux, trop superflu et je m’y sens seule et vulnérable, ô combien !
Une table couverte de rouleaux de papyrus, de calames, de pâtes d’encre, de textes de poètes actuels et passés, voilà qui pourrait me causer de la joie si...
Un coffre rempli de tuniques plus transparentes les unes que les autres, son voisin abondant en fards, en crèmes, en parfums de toutes sortes et, m’accueillant en ces murs devenus miens, deux servantes trouvant judicieux de me montrer des coffrets à bijoux vides encore, mais pleins de gemmes sous peu, selon leurs dires...
Si toutes ces richesses ne me rappelaient pas ma condition : je suis une concubine d’Akhénaton et, même en admettant que je devienne favorite, je n’en serai pas moins soumise, ma vie durant, aux désirs d’un homme.
Prisonnière d’une cage dorée, voilà ce que je suis. »

2. « Progressivement, le fleuve s’est animé : barques de pêcheurs tendant leurs filets puis les remontant très vite à la vue de la barque royale devant laquelle les hommes se prosternaient, persuadés sans doute que Pharaon était à bord, forêts de papyrus des berges où, malgré l’heure matinale, des cueilleurs nus étaient à l’œuvre afin de couper et de lier en bottes cette matière propre à devenir le support de nos écrits mais, plus encore, l’élément des embarcations légères utilisées pour la pêche aux clarias ou la chasse aux canards.
Nouvelle pour nous, cette vie du fleuve m’a démontré combien nous étions des inutiles, des parasites, dans une nation laborieuse. Je me suis bien gardée de faire état de cette constatation, trop d’oreilles en auraient été choquées. Qui sait même si on ne m’aurait pas rappelé que je portais en mes flancs l’avenir de la dynastie ?
Et qu’il n’y avait de royaume que grâce à Pharaon, que la société reposait tout entière sur cette croyance qu’un descendant divin était indispensable au pays. Le souverain était le lien de l’unité d’un empire si vaste qu’il fallait des semaines pour aller du septentrion, les frontières hittites et mitanniennes, à son extrémité méridionale, la quatrième cataracte du Nil. »

3. « J’avais été séduite par le prestige dont jouissait Horemheb, prestige entretenu par la rumeur unanime : le général était un homme providentiel. Mieux encore, j’avais, sans doute comme beaucoup d’autres femmes, succombé à sa prestance, or, je ne le connaissais pas vraiment quand j’ai choisi de l’épouser.
Chaque jour qui passe renforce mon choix et mes sentiments.
Tel le fruit mûr à point dont on apprécie le velouté ou la brillance de la peau avant d’en savourer la chair, sous l’enveloppe du corps du général, j’ai découvert un cœur et une âme d’exception.
Je pensais avoir épousé un guerrier, je suis la femme d’un pacifiste qui ne prend les armes que pour protéger nos frontières ou les pays du nord sur lesquels les Hittites et les Mitanniens rêvent d’étendre leur hégémonie.
À mon grand étonnement, au lendemain de notre union, Horemheb m’a confié :
- La guerre est haïssable, il vaut mieux s’asseoir autour d’une table pour négocier la paix, quitte à faire des compromis. Ceux qui prônent les combats n’ont jamais eu à voir tomber les soldats de l’infanterie sous les flèches, ils n’ont pas affronté les corps à corps à la hache, à la massue, à la dague. Pire, ils n’ont aucune idée des corbeilles qu’on pose devant les scribes chargés d’en compter le contenu : des mains. »

4. « - Je vais sûrement te choquer, ma nedjemet*, mais je te dois la vérité. La religion de ton père n’offre aucun espoir, c’est son point faible. Les habitants des Deux Terres veulent bien travailler leur vie durant, souffrir, tout endurer et se comporter bien en toutes circonstances s’ils ont l’espoir que la pesée de leur âme les conduira au paradis, dans le cœur même de Dieu, ce monde où le temps n’existe plus puisqu’on s’inscrit en lui en devenant hier, aujourd’hui et demain. L’au-delà et la notion de paradis sont absents de l’atonisme, cela réduit le peuple à la désespérance éternelle, voilà pourquoi cette croyance n’a jamais séduit nos compatriotes.
- Mais, toi, Horemheb, en qui crois-tu, Amon ou Aton ?
C’est l’homme, non le général, non le beau-frère de l’actuel pharaon que j’interroge anxieusement, certaine qu’il me répondra sans me mentir. Ce qu’il fait :
- Ma nedjemet, je crois en la vie terrestre, en mon commandement des troupes et surtout en toi, en ton amour...Dans le temple de « ma » religion, j’ai édifié une chapelle secondaire pour un culte annexe, celui du bien de l’empire. Pour moi, tout cesse à la mort, qu’on ait prié Aton ou Amon revient au même : nous ne serons jamais que des momies desséchées dans nos tombeaux pendant que les gens du peuple pourriront dans la terre. Mon paradis est ici, au sein de nos murs, mieux encore, quand tu es à mes côtés, nue, la nuit, parée, le jour. »

* Nedjemet : le mot signifiait douce.

5. « Toutankhamon approuvant la proposition, Horemheb lui a dit :
- Je continuerai à séjourner très souvent auprès de toi mais je souhaiterais que, désormais, Mounedjemet demeure à Men-Néfer. Vois-tu, Pharaon, c’est le troisième attentat dont ma femme, ta sœur, est victime, c’est la fois de trop.
Pour ma sécurité, Toutankhamon a accepté mon exil.
L’enquête menée de façon expéditive s’est soldée par des flagellations, des bastonnades, l’ablation du nez et des oreilles suivie de la pendaison de la servante qui avait été surprise de me voir bien vivante et du serviteur qu’elle avait aperçu dans le corridor. Tous deux avaient avoué être les auteurs du meurtre d’Agyr...
Pas plus Horemheb que moi n’avons été dupes : nous savions qui avait donné l’ordre de tuer. Mais révéler, sans preuves, le nom de l’un des conseillers de Pharaon n’aurait conduit qu’à ouvrir une crise sans précédents dans les annales des Deux Terres.
Le bien du royaume et la raison d’État nous ont incités à nous taire.
Désormais, ma barque ne me porte plus sur les flots du Nil.
Je vogue, au gré du vent, sur les ailes du silence. »

6. « Ayant vécu le couronnement de Toutankhamon, je sais d’avance ce qui m’attend demain.
Coiffé du pschent, Horemheb me présentera comme son épouse, ce seront nos noces officielles, il posera sur ma tête l’une ou l’autre des couronnes portées par les reines, puis il prendra notre fille dans ses bras pour la montrer à la foule.
Dans un concert d’acclamations, nous sourirons même si notre esprit mesure combien ce triomphe cache d’aléas, de difficultés, de responsabilités.
Le quinzième pharaon de la dix-huitième dynastie prendra place sur le char doré des cérémonies, son pagne tissé de fils d’or, son pectoral orné d’un scarabée de lapis-lazuli encadré par les divinité tutélaires du pays, Osiris et Isis, en turquoise et cornaline rehaussées d’or, attireront tous les regards des hommes alors que, je le pressens, les femmes admireront surtout sa stature et sa musculature. Pour jouer notre rôle au mieux, nous le rejoindrons, Tanedjemet* et moi. Tous trois, nous irons, au pas lent des chevaux, montrer à notre peuple que nous souhaitons l’associer à notre gloire.
Personne ne devra soupçonner la tristesse de ma joie.
Plus jamais nous ne reviendrons dans notre demeure de Men-Néfer. Plus jamais nous ne jouirons d’un semblant d’intimité, de solitude, de répit.
Je suis responsable de cette destinée. »

* Tanedjenemet : le mot Ta signifiait la terre.

Rencontres avec le Roman Moutnedjemet, l'oubliée de Nicole Voilhes
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