Nicole Voilhes - Auteur de biographies romancées de couples célèbres du XVI siècle.
La douce amère

Le Livre

A moins de dix-sept ans, Louise de La Vallière se vit octroyer une place de demoiselle d'honneur auprès de Madame, belle-sœur de Louis XIV. Naïve et timide, c'était une jeune fille dont la simplicité et la grâce juvénile charmaient tous les cœurs.
Le sien était déjà pris : Louise était éperdument amoureuse du roi de France. Très vite, le roi en fit sa maîtresse alors qu'il avait épousé, un an auparavant, Marie-Thérèse d'Espagne.
La première année de la liaison se déroula dans la clandestinité, ce qui convenait fort bien à Louise, amatrice d'ombre.
Elle se donna à cet amour comme on entre en religion, avec autant de foi que d'abnégation. Louis XIV, mal remis du renoncement à Marie Mancini, fut follement épris de cette douce conquête qui dansait divinement, passait pour la meilleure écuyère du royaume et surtout, lui vouait un véritable culte.
Cette passion, partagée pendant plus de six ans, devint officielle après le décès de la reine-mère, Anne d'Autriche. Si ce sentiment réciproque avait résisté aux aléas si nombreux de la vie de cour, il s'étiola quand Louise dut sortir de l'ombre.
Louis XIV réalisa que la favorite qu'il aimait n'était pas faite pour la lumière, qu'elle ne convenait pas à un roi à qui tout réussissait, que le Soleil se devait de brûler plus glorieusement.
Louise devint alors la « Douce Amère ».

Extraits

I. Les débuts de l'idylle.

Louise :

« Je savais que l'escalier que j'empruntais était celui du déshonneur, du péché mais rien n'aurait pu me retenir. J'aimais follement un homme et j'allais, le cœur léger et sans le moindre remords, me donner à lui. Qu'il soit roi de France ne m'importait aucunement et j'avais rangé au fin fond de ma mémoire, sans doute pour l'oublier, le fait qu'il était marié.
Cette première rencontre me laissa éblouie et, j'espère, le satisfit. Plus que l'acte qui me rendit femme, je ressentis la douceur de Louis, sa tendresse, sa délicatesse et les serments d'amour que nous échangeâmes alors de nous aimer toujours, de n'avoir jamais de secrets l'un pour l'autre, de ne pas nous quitter sur une fâcherie me confortèrent dans l'idée que j'étais aimée. Mon amant m'aurait demandé de me jeter par la fenêtre de la chambre de Saint-Aignan pour lui prouver l'intensité de mes sentiments pour lui, je l'aurais fait sans hésiter. Ne lui avais-je pas dit que « j'étais prête à lui faire don de ma vie » ? »

Louis :

« Regrettes-tu de t'être donnée à ton roi ?
- Louis, c'est à l'homme que j'aime que je me suis donnée. Perdre à tout jamais ma réputation ne me causera aucun chagrin tant que vous m'aimerez. Si un jour vous me délaissez, j'entrerai au couvent. Je suis à vous comme le lierre l'est à l'arbre auquel il s'accroche et qui meurt quand on l'en écarte.
Emu de tant d'amour tout autant que de l'avoir suscité, Louis XIV savoure ce moment de pur bonheur, le seul de sa journée.
Alors, le jeune roi, pour toute réponse à la déclaration de Louise, n'ayant rien d'autre à lui offrir que les marques physiques de son amour, la prend dans ses bras et couvre son visage et son buste de baisers, assuré d'avance qu'elle n'attend pas plus. Que la belle demeure lierre, lui, il se sent aussi solide qu'un chêne. Rien ne pourra les séparer. »

II. La plénitude de l'amour

Louis :

« Ebloui, il sort ébloui de ces premières étreintes. Jamais Louise n'a été plus désirable, son corps, si gracile il y a deux ans, s'est épanoui en courbes voluptueuses alors que sa taille a conservé son extrême finesse.
Alanguie après l'assaut furieux du roi, la jeune femme s'est abandonnée aux regards extasiés de son amant : ses longs cheveux d'or clair répandus sur l'oreiller, sa nudité offerte sans retenue puisqu'elle sait qu'elle fait ainsi les délices des mains du roi, Louise a fermé les yeux pour mieux goûter l'instant présent.
Au début de leur relation, confuse et pudique, après l'amour elle couvrait son corps mais Louis XIV lui ayant fait promettre de ne rien lui cacher jamais, elle a admis que ses actes comme ses pensées appartenaient au roi, qu'il en était le maître absolu. »

Louise :

« La veille, Louis m'avait dit qu'il me voulait éblouissante, je me suis donc parée avec une recherche digne de celle affichée par la reine et Madame, ce qui m'a valu les regards acerbes de la deuxième qui essuyait, elle, ceux de la première, persuadée, tout le monde le dit, que le roi la trompe avec Madame.
J'ai donc revêtu ma robe de soie ivoire rebrodée de fils d'argent et j'ai osé, pour la première fois, arborer les pendants d'oreilles de diamant assortis au collier que mon bel amant avait eu tant de plaisir à me mettre au cou.
Quelle n'a pas été ma surprise en constatant qu'un siège m'était attribué au deuxième rang, juste derrière la reine, les reines douairières de France et d'Angleterre et Madame. J'étais bien confuse de me retrouver mieux placée que nombre de duchesses et j'ai compris que notre liaison était connue. Au travers de ma personne, c'est le roi qu'on devait admirer. »

III. Le déclin de l'amour

Louise :

« - Louis, ma force me vient de mon amour, lui seul la nourrit. J'assume ma destinée et je n'agirai jamais contre votre gloire... Aujourd'hui, cette gloire m'indique la route à suivre : pour que vous soyez irréprochable aux yeux de la reine comme à ceux des courtisans, vous n'avez pas été père ce jour. Le seul enfant qui vous naîtra bientôt est celui que porte la reine.
Baisers, caresses et larmes se sont succédé sans que mon amertume ne s'estompe. Je sais qu'il ne m'aime plus comme avant mais que m'ayant installée dans cette position de favorite, il se trouve pris dans le piège qu'il a posé lui-même.
Comme beaucoup d'hommes courageux sur un champ de bataille, le roi se montre totalement désarmé face à une femme dont il s'est lassé. Etre sacré roi de France ne donne pas le privilège de savoir rompre une histoire d'amour. »

Louis :

« Quel roi a dit un jour que « la cour de France sans jolies femmes serait un jardin sans fleurs ? »
« Un homme qui s'y connaissait, assurément, et, Louis XIV, reprenant le raisonnement à son compte, imagine l'espèce florale convenant le mieux aux trois femmes entrevues. La reine ? Un chèvrefeuille envahissant sur lequel le regard ne peut s'attarder. Athénaïs ? La marguerite royale qui s'épanouira bientôt. Louise ?
Elle semble aussi incongrue en ce jardin que la violette plus à l'aise dans les bois la saison passée... Passée, voilà la brutale réalité, Louise n'est plus de saison.

Cependant, curieusement, lui revient en mémoire une rose qu'il n'a pas eu le loisir de mettre en bouquet, une rose couleur de feu au parfum enivrant, une rose qui s'appelait Marie... Avec cette reine des fleurs, le chèvrefeuille n'aurait pas eu l'occasion de croître, la nièce de Mazarin aurait fait dédaigner la violette et mépriser la marguerite.
Oui, avec Marie de Mancini, tout aurait été différent mais à quoi bon ressasser le passé puisque, justement, il est passé ! »

Rencontres avec le Roman La douce amère - de Nicole Voilhes
Rencontres

 

Rencontres avec le Roman La douce amère - de Nicole Voilhes