Nicole Voilhes - Auteur de biographies romancées de couples célèbres du XVI siècle.
Aha-Men-Ptah

Le Livre

Plus de 9000 ans avant notre ère, Lona s’ennuie. Épouse du chef des scribes du palais, elle déplore l’ilotisme dans lequel la société de son temps la confine.
Elle aimerait comprendre le monde qui l’entoure et, comme l’époux qu’elle n’a pas choisi ne semble pas disposé à l’instruire, elle va chercher ailleurs une oreille attentive à ses questions ; Kotan, le séduisant médecin, lui apporte les réponses qu’elle cherchait.
Une guerre fratricide déchire le pays, une prédiction terrible plane sur ces terres paradisiaques, de multiples difficultés entravent le cours d’une existence que Lona trouvait insipide. Elle assiste aux bouleversements, mieux, elle participe aux aventures créées par la folie des hommes et, même, elle n’hésite pas à bousculer les règles établies.
Fin géographique, le continent de Lona, Aha-Men Ptah, va subir un déluge, la chute d’’une météorite géante, une éruption volcanique et un raz de marée avant de sombrer dans les flots.
Fin historique, le cataclysme a anéanti une civilisation qui ne pouvait survivre que si on transportait sous d’autres cieux les miettes d’un savoir ancestral.
Les rescapés seraient-ils assez nombreux pour y parvenir ? Où sont-ils allés ?
Ce roman tente d’apporter non pas une réponse à une énigme non résolue depuis Platon mais une vision éclairée par une histoire d’amour.

Mythe ou réalité ?
Le rêve du paradis perdu est ancré au plus profond des consciences humaines sans doute parce qu’il permet de vivre mieux les aléas de la vie contemporaine.

Extraits

1. La réponse du médecin ne se fait pas attendre :
- Tu ne rendras pas la santé à ton épouse, Ménoé, ce n’est pas son corps qui est malade, c’est son esprit. Vois-tu, le mal de Lona n’affecte pas les paysannes ou les servantes et pas davantage les femmes de pêcheurs. Celles-là, je les traite pour des blessures, des fractures, des incidents dus à leurs conditions de vie. Ces maux sont aisés à soulager et à guérir. Les épouses des notables ont le temps de réfléchir, cela les conduit inévitablement à penser que l’ignorance dans laquelle on les a laissées les rend inférieures. Or, une femme est tout aussi capable de s’instruire qu’un homme. De quel droit avons-nous décidé que seuls les hommes étaient aptes à l’étude ? Certes, beaucoup de femmes acceptent d’être sous-estimées mais pas toutes. Lona n’a pas pu ne pas percevoir les changements de la société, elle s’en inquiète probablement et je ne possède pas plus que toi l’antidote au poison qui lui ronge le cœur car ce poison, nous en percevons, toi et moi, les miasmes. Nous en souffrons moins parce que nos journées sont actives mais imagine-toi un instant désœuvré et ignare : ne serais-tu pas inquiet du devenir d’un monde que tu ne comprends pas ?
Ménoé ne répondant pas, Kotan insiste :
- Vois-tu, il est difficile de comprendre le présent et d’envisager le futur à qui ne sait rien du passé.

2. J’ai oublié qui j’étais, je ne veux plus m’en souvenir.
Je suis à Kotan, Kotan est à moi.
Plaisir physique accru de la sensation morale, nouvelle pour moi, d’appartenir, corps et âme, à l’homme que j’aime.
Il est l’air que je respire, la source où je pourrai m’abreuver à l’infini, le seul aliment dont mon corps aura faim. Avant cette nuit, j’étais dans les limbes, inconsciente de la vraie vie.
Je viens enfin de naître.
Avec Kotan, le champ des possibles est grand ouvert.
Si nous sortons vivants de cette épreuve, je partirai sur la cinquième barque, je serai prête à suivre l’homme que j’aime où les flots le porteront, sur les terres qu’il foulera , j’affronterai les dangers auxquels il sera confronté. Douce m’apparaîtra la mort si elle nous prend tous deux.
Je voudrais arrêter la course du temps et que la flamboyante aurore ne survienne jamais plus pour que dure l’obscurité complice de mon amour.
Ni Kotan ni moi, nous ne dormirons, conscients de ne perdre aucun des instants magiques de cette nuit aux ailes noires qui enferment notre bonheur dans leur ombre.

3. Il pleut encore, il pleut toujours. Le palais royal s’est transformé en île coupée du monde dont on ne voit plus rien tant l’eau du ciel tombe dru. De mémoire des plus âgés, on n’a jamais connu un désastre pareil et même si nous avons mérité les foudres divines, il m’arrive de penser que bien lourde se montre la main du Créateur. En châtiant les coupables dont je suis, il punit aussi un grand nombre d’innocents.
La reine a réduit les rations journalières. Cependant, malgré ces restrictions drastiques, nous n’aurons bientôt plus rien à nous mettre sous la dent.
Nous pourrions sacrifier les chevaux mais nous serions alors dans l’impossibilité de rejoindre les barques de l’exode nuitamment quand le grand prêtre nous annoncera que le moment est venu de quitter notre paradis devenu un enfer.
Repliés sur nous-mêmes, vivant en vase clos dans une quasi obscurité, nous devons ménager l’huile des lampes éclairant les couloirs sans fenêtres et la table où Kotan opère les blessés. Le ciel est si sombre que, par les ouvertures des salles, ne nous parvient qu’une obscure clarté couleur de désespoir. Pire encore, une humidité permanente accompagne tous nos gestes. Rien d’étonnant si le moral de tous s’en ressent.

4. Je suis restée muette, je ne formulerai pas tout haut le rêve qui me trotte par la tête : que les rescapés de la catastrophe soient animés du désir de rester solidaires, qu’ils n’oublient jamais le pays d’où ils viennent et l’héritage transmis par leurs ancêtres. Sinon, nous perdrons notre âme.
Seule, allongée sur le pont, j’ai tout loisir de me remémorer tout ce que j’ai vécu et d’entrevoir mon existence passée comme un vase au col resserré. Fleur promise à la flétrissure, j’y restais coincée par les habitudes et par la volonté de Ménoé, j’étais l’épouse du chef des scribes, je ne vivais pas par moi-même.
Le vase s’est brisé, je m’en suis échappée. L’Histoire m’a aidée à en finir avec un monde auquel je n’adhérais pas.
Qu’Aha-Men-Ptah ait disparu ne m’ennuie que dans la mesure où des innocents ont été sacrifiés. Cette fin géographique ne m’émeut pas plus que son aspect historique. Nos mœurs valent-elles qu’on les fasse revivre ? J’avoue espérer mieux de l’avenir mais j’ai beau scruter les étoiles afin d’y découvrir une réponse à ma question, aucune ne semble prêter l’oreille à ma prière, sans doute parce que je rêve encore et toujours d’une société idéale.
L’aurore va émerger de l’océan pour y déposer des myriades de roses.
L’aurore aux doigts de roses...
Celle d’une vie nouvelle.

Rencontres avec le Roman Aha-Men-Ptah de Nicole Voilhes
Rencontres

 

Rencontres avec le Roman Aha-Men-Ptah de Nicole Voilhes